Féminicide et violence conjugale – Un enjeu syndical

Par Mélanie Pelletier, deuxième vice-présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CCQCA)

Depuis la pandémie, le nombre de féminicides ne cesse d’augmenter au Canada, passant de 136 femmes assassinées en 2019 à 191 en 2023, soit une augmentation de 29 %. Au moment d’écrire ces lignes, le 28 février, on compte déjà 6 féminicides au Québec selon une compilation du Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN). En 2023, 15 femmes et 5 enfants ont été assassinés au Québec par leur conjoint ou ex-conjoint.

Selon le Petit Robert (2015), un féminicide est le « meurtre d’une femme, d’une fille en raison de son sexe ; spécialement meurtre d’une femme par son conjoint ou ex-conjoint. »

Ce serait une grossière erreur de croire qu’il ne s’agit pas d’un enjeu syndical. Ces femmes sont également des travailleuses, des étudiantes, des stagiaires. Leur meurtre a un impact dans nos milieux de travail et sur nos syndicats.

La violence envers les femmes ne s’arrête pas aux portes du travail.

La violence conjugale est une réalité sociale qui s’inscrit dans le continuum des violences faites aux femmes dont le féminicide est la forme la plus extrême. Une étude pancanadienne du Congrès du Travail du Canada a révélé en 2014 que près d’une travailleuse sur trois a déjà été victime de violence conjugale dans sa vie. Plus de la moitié d’entre elles avaient aussi déclaré que la violence s’était poursuivie sur leur lieu de travail.

Cette irruption de la violence conjugale au travail peut prendre plusieurs formes. Les travailleuses qui en sont victimes sont souvent inondées de courriels, textos et appels du conjoint. Le harcèlement par téléphone en est la manifestation la plus courante, avec 41 % de toutes les formes de manifestation. Quand la spirale de la violence s’aggrave, le conjoint peut faire irruption à proximité ou sur le lieu de travail, il va souvent interpeller les collègues et employeurs de sa victime.

Le débordement de la violence conjugale au travail a des répercussions négatives sur la travailleuse qui en est victime mais aussi sur ses collègues. Pour la victime, on parle de stress et d’anxiété, de perte de confiance dans ses capacités à bien faire son travail, de retards et d’absences, d’accidents et d’arrêts de travail. Pour les collègues on parle également de stress, mais aussi d’inquiétudes sur le climat de travail et la sécurité, de frustration liée à la charge de travail pouvant être augmentée par le moins bon rendement de la victime, de possibles conflits dans l’équipe.

On peut agir individuellement contre la violence faite aux femmes en refusant de tolérer des propos violents ou sexistes, en adoptant des rapports égalitaires et en restant à l’écoute des femmes qui nous entourent.

On peut également agir syndicalement sur la violence conjugale au travail. En soutenant les victimes et en les référant à des ressources pouvant leur venir en aide, par exemple SOS violence conjugale, mais aussi en rappelant à l’employeur son obligation d’assurer un milieu de travail sain et sécuritaire. En effet, depuis l’adoption de la réforme du régime de santé et sécurité du Québec, les employeurs doivent prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la protection des personnes exposées à une situation de violence conjugale sur les lieux de travail. C’est une nouvelle obligation pour les employeurs.

La CSN a produit un guide d’information sur la violence conjugale qui peut vous outiller pour faire face à ces situations : Agis pour que ça cesse : Guide d’information sur la violence conjugale. N’attendons pas qu’il ne soit trop tard avant d’agir.

 

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