Les obstacles

Au nombre des facteurs qui nuisent aux femmes militantes, qui en dissuadent plusieurs de s’impliquer syndicalement, ou qui entraînent le départ de celles déjà en place, voici une liste non exhaustive d’écueils à éviter.

Les élus masculins qui disent tenir à l’égalité entre les femmes et les hommes, mais qui n’agissent pas en conséquence. Ces hommes restent vagues quand on leur demande où en est la représentativité des femmes dans leur syndicat, sur l’origine du manque de femmes et sur les moyens d’y remédier.

Il y a aussi des hommes qui refusent de partir ou de proposer à des femmes des postes de décision, ce qui perpétue un fonctionnement syndical nuisible pour les femmes. Trop rares sont en effet les femmes qui sont sollicitées pour remplir des fonctions à plus hautes responsabilités. Pourtant, on ne compte pas les tâches qu’on leur confie, on leur impose fréquemment des horaires de travail surchargés, et selon les milieux, il arrive trop souvent que cela soit fait sans leur offrir un espace de conciliation travail-famille-implication qui leur permettrait de militer sans se sentir coupables.

De même, certains hommes perpétuent encore le patriarcat, avec un déni de l’égalité qui peut prendre plusieurs formes. La négation de tâches genrées, par exemple, est un problème bien présent dans certains milieux, où on ne voit pas de problème à cantonner les femmes au secrétariat, à la cuisine, aux commissions, au ménage, etc. Il y a aussi le confort et l’indifférence : rien ne change, donc pas de perte de privilèges pour les hommes en place. Cela s’accompagne régulièrement du refus de traiter des enjeux d’équité sous prétexte qu’il y a toujours plus urgent à faire. Pire encore, et il faut admettre que même les syndicats n’y échappent pas, il y a des boys club : on se soutient entre hommes et on vote de même, cloisonnant les femmes à ne parler de leurs problèmes qu’entre elles sans leur offrir de véritable écoute.

Certes, il arrive qu’on propose, et parfois même sur un plateau d’argent, des postes à plus hautes responsabilités à des femmes, mais l’on observe que cela se produit beaucoup en temps de crise, ce qui met les femmes à très haut risque de voir tous leurs efforts être démolis : revoir la structure ou le fonctionnement du syndicat, colmater les brèches de départs massifs, résoudre des conflits face auxquels plusieurs se sont déjà cassé les dents, etc.

En parallèle à cela, l’absence de comités femmes ou de la condition féminine, ou la présence d’un comité de façade qui n’a ni financement, ni reconnaissance, est un obstacle majeur, puisque dans les deux cas, le résultat est le même : on consulte rarement les femmes, mais on les presse de produire des rapports, des activités et des résultats.

Il y a également les contraintes inhérentes au militantisme qu’il faut prendre en compte, car elles ne permettent pas aux mères de jeunes enfants (sans voiture, ou sans garderie, ou sans autre parent impliqué, ou sans réseau social pour les aider), de se voir confier des responsabilités à la hauteur de leurs qualifications, sauf si leur syndicat prévoit le soutien et les accommodements adéquats. Il devient dès lors extrêmement difficile de trouver une relève syndicale stable parmi les jeunes femmes.

Par ailleurs, certains aspects non négligeables, auxquels on ne pense pourtant pas d’emblée, sont aussi à revoir, comme la structure et l’animation syndicales, majoritairement opérées par et pour des hommes : ce sont eux qui décident de quoi on parle, de comment on le fait, et ce sont eux qui prennent le plus de place en termes de prises de paroles (fréquence et durée).

En résumé, il peut être difficile pour certaines femmes d’être syndicalistes : la tâche est lourde, elle s’ajoute à un stress de s’investir dans une mécanique inéquitable, et ce système finit par épuiser des élues. Malheureusement, même dans ce cas, les femmes qui abandonnent un poste électif reçoivent peu d’aide et les plus touchées sont la relève : les femmes les plus jeunes. Il ne suffit donc pas de recruter des femmes : il faut aussi leur donner envie de rester.

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