Sortir de l’invisibilité

Le 15 mars dernier, le SCCCUL a tenu un midi-réflexion sur la question de la précarité, ses multiples visages et ses conséquences. Plusieurs des personnes chargées de cours qui y ont participé ont déclaré combien elles sont peu reconnues dans leur propre département. Dans les dernières années pourtant, le SCCCUL a multiplié les initiatives, campagnes de visibilité et sorties éditoriales pour accroître la visibilité des chargées et chargés de cours. Il a aussi collaboré avec le Vice-rectorat aux ressources humaines (maintenant VREDIRH), notamment au sein du Comité de reconnaissance du personnel. Mais force est d’admettre qu’il reste beaucoup de travail à faire.

Les formes que prend l’invisibilité

Les chargées et chargés de cours sont peu visibles dans la communauté universitaire pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles tient sans doute au fait que dans de nombreux sites Web départementaux les noms des ceux et celles qui y enseignent n’apparaissent pas. En effet, bien que plusieurs soient à l’emploi à temps plein ou enseignent régulièrement dans leur département, et ce, depuis plusieurs années, ils et elles ne sont pas présents dans la liste du corps enseignant. Cette absence engendre un déficit de représentation et de visibilité qui est incompréhensible, compte tenu de la responsabilité que l’on nous confie au regard de la formation des étudiantes et des étudiants.

Quelques exemples suffiront à démontrer l’état de la situation.

Dans une unité comprenant plus d’une dizaine de personnes chargées de cours, le bottin du personnel ne fait aucune mention de notre corps d’emploi. Dans une autre unité où enseignent plus d’une centaine de personnes chargées de cours, le site mentionne les noms des membres du corps professoral, voire des professeures et professeurs retraités ou décédés, mais rien à propos des chargées et chargés de cours. Dans une autre faculté, le même gabarit est utilisé d’un département à l’autre, dans lequel on ne mentionne encore une fois que le corps professoral, alors que de nombreuses personnes chargées de cours, souvent récipiendaires de prix en enseignement, y travaillent de façon régulière. L’invisibilité de notre corps d’emploi, dans ces sites web départementaux, est totale.

À un autre niveau, il y a les unités qui ont une catégorie « chargés de cours », mais dont les sites ne sont pas maintenus à jour. Certaines unités n’y inscrivent en effet qu’une liste partielle de noms associés à notre corps d’emploi et en ignorent plusieurs autres. Parfois les noms des chargées et chargés de cours qui y ont enseigné aussi récemment que dans la dernière année universitaire en sont absents. L’invisibilité, ici, est partielle, mais demeure injustifiée.

Devant cet état de fait, des questions se posent. Comment cette omission des chargées et chargés de cours est-elle justifiée? Sur quels critères ces unités fondent-elles leur choix de faire apparaître un nom plutôt qu’un autre? Sur le nombre de cours donnés? Sur la fréquence des cours offerts? Sur quoi ? Un ou une chargée de cours qui ne donne qu’un seul cours par année apporte souvent une expérience de travail d’un milieu professionnel, qui permet aux étudiantes et étudiants de jeter un regard différent sur sa discipline. Son cours n’est pas moins important parce qu’il est offert une fois par année. À partir du moment où la compétence pour donner un cours est reconnue par la direction d’une unité, toutes les personnes chargées de cours devraient avoir un droit égal à être visible au sein de son unité d’enseignement.

Les travers de l’invisibilité

L’invisibilité a ceci de nocif qu’elle nuit à la crédibilité des chargées et chargés de cours par l’absence d’un espace légitime où leur expérience pédagogique et professionnelle est reconnue. Cette invisibilité contribue à entretenir une image d’enseignantes et d’enseignants ayant peu de valeur, un point de vue qui est plus de l’ordre du préjugé que de la réalité, comme le prouve l’appréciation positive de nombreux étudiants et étudiantes. L’invisibilité nuit également au développement du sentiment d’appartenance envers les départements d’attache et augmente le sentiment d’isolement dans notre corps d’emploi. Contribue-telle à la précarité de notre statut? Poser la question, c’est y répondre…

Enfin, tout espoir n’est pas perdu puisqu’il existe quelques exemples positifs, c’est-à-dire des unités qui nous nomment, accueillent nos intérêts et applaudissent nos accomplissements. À ces unités, nous disons un grand merci!

Anne Beauchemin, vice-présidente aux communications
Élisabeth Cyr, vice-présidente à la vie syndicale et à la mobilisation

← retour vers Info SCCCUL