Professeur à McMaster University, Ontario, Henry A. Giroux est l’un des fondateurs d’un courant de pensée nommé Critical Pedagogy (Pédagogie critique). Nous pensons que les analyses critiques de Giroux sont toujours pertinentes pour alimenter nos réflexions sur la démocratie dans les milieux scolaire et universitaire. Le résumé en français ci-dessous souligne quelques idées centrales du chapitre 9 du livre Teachers as Intellectuals: Toward a Critical Pedagogy of Learning, publié en 1988 par les éditions Bergin & Garvey.
Chapitre 9 : Teachers as Transformatory Intellectuals
Giroux critique une série de réformes éducatives réalisées dans le passé aux États-Unis qui amènent à l’assujettissement du corps enseignant. C’est-à-dire que les enseignants d’écoles publiques sont traités comme de simples techniciens qui ne s’occupent que de l’implémentation des méthodes prédéfinies. Dans ce scénario, les enseignants offrent très peu de contribution dans le développement et l’appropriation de celles-ci. L’auteur qualifie cette tendance de « prolétarisation du travail d’enseignant ». Au centre de cette approche technocrate, il y aurait quelques présomptions pédagogiques qui menacent le rôle des enseignants :
- la séparation entre la conception des programmes d’études/matériels pédagogiques et leur mise en œuvre;
- la standardisation des connaissances et des évaluations;
- la dévalorisation du travail intellectuel de la part des enseignants en faveur de la primauté pragmatique.
En ce sens, les enseignants et les stagiaires en enseignement ne seraient pas encouragés à remettre en question les fondements sur lesquels les méthodes et théories pédagogiques et les techniques de recherche sont fondées. Leur rôle ne consisterait qu’à les intégrer dans leur enseignement au lieu de produire du matériel pédagogique qui tiendrait compte du contexte de leurs élèves ainsi que de leurs différents styles d’apprentissage.
Selon Giroux, il faudrait considérer les enseignants comme étant des intellectuels transformateurs, des praticiens réflexifs et des individus libres qui valorisent l’intellect humain et le renforcement de l’esprit critique chez les jeunes. Ainsi, les enseignants devraient poser plus de questions sérieuses sur ce qu’ils enseignent, comment ils enseignent, et les buts ultimes de leur enseignement.
Pour Giroux, ainsi que pour les adeptes de la pédagogie critique, les projets éducatifs et scolaires sont inextricablement reliés à la politique, au pouvoir et au contrôle social. Par conséquent, la tâche des enseignants n’est pas de façonner ou de conditionner les élèves, mais d’encourager l’action humaine, de fournir les conditions nécessaires leur permettant de s’autodéterminer et de lutter pour une société à la fois autonome, juste et démocratique.
Quelques références pour mieux connaître Henry A. Giroux :
Giroux, Henry A. (1988). Teachers as Transformative Intellectuals, in Teachers as Intellectuals: Toward a Critical Pedagogy of Learning. Granby, MA: Bergin and Garvey, 1988, p. 121-128.
Giroux, H. A. (2011). On Critical Pedagogy, Bloomsbury Academic.
A Critical Interview with Henry Giroux
Article de Yves Laberge, « L’enseignement supérieur selon Henry A. Giroux », dans University Affairs, 7 février 2020
Site officiel d’Henry A. Giroux
Rachel Vogel
Chargée de cours à l’École de langues de l’Université Laval et membre active du comité d’information et de mobilisation au SCCCUL.
Marta Teixeira
Chargée de cours à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et Vice-présidente aux communications au SCCCUL