1er midi-réflexion : « Liberté académique et liberté d’expression : mieux les définir, mieux les respecter »

Le 24 février dernier a eu lieu sur Zoom, en compagnie d’une trentaine de personnes chargées de cours provenant de toutes les facultés, le premier d’une série de trois midis-réflexion organisés par le SCCCUL. Ces rencontres trouvent leur origine dans un chantier intitulé « Réfléchissons ensemble à l’Université québécoise du futur et à la place des personnes chargées de cours ».

Plusieurs chargées et chargés de cours ont en effet répondu à l’invitation du syndicat à venir discuter de liberté académique et de liberté d’expression et, plus largement, de la place que nous estimons devoir occuper dans l’Université du futur.

Une liste de lectures avait été proposée aux personnes inscrites à l’activité, dont la plus récente version alors disponible du rapport sur « L’Université québécoise du futur », produit sous la responsabilité de M. Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, à la demande du ministre Roberge, alors ministre de l’Éducation. Sylvain Marois, chargé de cours au Département de littérature, théâtre et cinéma ainsi qu’au Département des relations industrielles, vice-président du Regroupement université de 2012 à 2018 à la FNEEQ, et actuellement agent des relations du travail au SCCCUL, a fait partie de ce comité, dont les membres ont travaillé à la rédaction du rapport pendant un an et demi. En introduction, Sylvain Marois a brossé l’historique de ces travaux afin d’alimenter la discussion.

Il apparait qu’après moult rencontres et des mois de travail, le rapport préliminaire émis l’automne dernier omette de nombreux éléments cruciaux, à commencer par la présence et la contribution des personnes chargées de cours dans l’université québécoise du futur et qu’il ignore la nécessité de stabiliser leur situation précaire. Notre collègue ne manquera pas de revenir à la charge avec de nouveaux éléments lors des deux autres midis-réflexion et lors du cabaret syndical que nous tiendrons au début d’avril.

Sylvain Marois n’est du reste pas le seul à dénoncer les « omissions » de ce rapport, qui a suscité une réaction de la Table des partenaires universitaires (TPU), dont la FNEEQ fait partie. Ce collectif a d’ailleurs publié une lettre ouverte adressée au scientifique en chef, Rémi Quirion, et à la ministre Danielle McCann, en octobre dernier dans le Journal de Québec. Après avoir salué les éléments positifs de la réflexion menée par les auteurs du rapport, les signataires membres de la TPU en soulignent néanmoins les manques importants, dont l’absence des personnes chargées de cours, du problème de la précarité d’emploi et ses conséquences sur la santé psychologique, ainsi que d’autres problèmes concernant l’institution et l’ensemble du milieu universitaire. Leur lettre se termine sur la nécessité d’avoir de « réels échanges ».

Aperçu des commentaires recueillis lors du midi-réflexion du 24 février

D’entrée de jeu, ce fut l’occasion pour notre présidente, Christine Gauthier, de réitérer la position du SCCCUL sur la question de la liberté académique, que nous avions fait paraître cet automne dans l’Info-SCCCUL, ainsi que la proposition en soutien à la liberté académique adoptée en assemblée générale. Puis, ce fut le moment, pour notre collègue Sylvain Marois, d’animer une discussion autour des deux enjeux énoncés :

  1. Définir les contours de la liberté académique VS respect des voix des minorités
  2. Comment encadrer l’exercice de la liberté académique

Tant dans l’actualité que dans le rapport sur l’Université québécoise du futur, se trouve la délicate question de la liberté académique. C’est la raison pour laquelle, devant plusieurs événements traités de manière discutable dans certains établissements d’enseignement supérieur du Québec, l’abondance de publications et de sorties parfois plus émotives que rationnelles dans les médias, et devant l’inquiétude légitime exprimée par plusieurs de nos membres, nous avons décidé de tenir un premier midi-réflexion sur le thème: « Liberté académique et liberté d’expression : mieux les définir, mieux les respecter ».

Nourries des lectures que nous leur avions proposées et de bien d’autres, ainsi que de leur expérience personnelle, les trente personnes inscrites à l’activité du 24 février ont pu répondre aux questions posées, exprimer leur position, inquiétudes et commentaires sur les différents enjeux soulevés. La précarité de notre travail, l’attribution tardive des cours, restreignent déjà, selon certaines personnes, notre liberté dans l’exercice de nos fonctions. De même, le manque de reconnaissance de notre travail, voire de notre statut, parfois au sein même de l’Université Laval a été soulevé. Des membres manifestent également leur inquiétude devant ce que d’autres personnes enseignantes à statut précaire ont vécu ailleurs, avec la crainte de la mise à l’index et de la censure de certains ouvrages, œuvres ou problèmes historique ou social, et devant la possibilité d’avoir à refaire ou à revoir notre matériel pédagogique et nos méthodes de travail.

D’autres ont invité à poser la question autrement : quelles positions sont créditées ou discréditées et pourquoi, avec les effets que cela engendre. Il faut soulever aussi le problème de l’approche managériale et du mode de financement des universités et leurs conséquences. On dénonce notamment l’approche clientéliste des universités et des gouvernements néolibéraux, qui menace la liberté académique. On observe par ailleurs une différence dans le traitement de la question de la liberté académique dans les milieux francophones versus anglophones, où, dans le premier cas, on s’inquiète de subir la censure ou de devoir s’autocensurer, alors que dans le second, par convention sociale, moult précautions seraient déjà prises et où les inquiétudes à cet égard seraient moindres. On soulève d’ailleurs l’absence préoccupante de la dimension culturelle dans le discours actuellement. La notion de respect de cette dimension devrait, selon certaines personnes, être remise dans le document que le SCCCUL remettra à l’Employeur.

Le SCCCUL retient que, pour plusieurs de nos membres, la menace à la liberté académique dépasse les scandales survenus ailleurs, et qu’elle se vit au quotidien. Par exemple, l’autonomie pédagogique et intellectuelle est-elle toujours possible quand on doit enseigner en tenant compte de l’approbation du corps professoral, ou alors quand des cours à sections multiples donnés par plusieurs enseignants doivent être « équivalents » ?

Sylvain Marois a également refait l’historique des débats et des discours, tant politiques que publics, qui confondent souvent « liberté académique » et « liberté d’expression ». Par exemple, comment, par qui, pour qui, selon qui et selon quels critères devrait-on déterminer « qui » protège la liberté académique ? Et que protège-t-on à l’heure actuelle ? Pour plusieurs, ce sont les entreprises ou alors les sensibilités de certaines personnes qui sont protégées, au détriment de l’enseignement. Certaines personnes, au cours de la rencontre, ont exprimé l’opinion que beaucoup de gens sont en ce moment en réaction face aux étudiantes et étudiants, plutôt que de tenter d’aller à leur rencontre et d’être à l’écoute. À ce titre, la question cruciale, pour le SCCCUL, ne serait pas de se demander si nos étudiantes ou étudiants sont trop sensibles, mais comment le syndicat, ou une règle commune, pourrait nous protéger en tant que personnes chargées de cours et éviter les dérives constatées récemment et dans le passé récent. Nous retenons qu’en ce moment aucune règle commune protégeant la liberté académique ne semble encadrer les situations vécues dans les universités et que les institutions universitaires ne protègent pas toujours leurs enseignantes et enseignants contractuels. Toutefois, comme syndicat, nous serons toujours là pour défendre nos membres, mais un cadre de référence est nécessaire quant au problème épineux que pose la liberté académique versus la liberté d’expression. Nous retenons également que pour qu’il y ait une véritable discussion, il faut des émetteurs, mais aussi de l’écoute.

En conclusion, la période de 90 minutes réservée pour ce midi-réflexion a passé à une vitesse folle : ce fut un réel plaisir d’accueillir tous les avis. Ce fut inspirant d’entendre et de recueillir les propos de toutes et de tous, qui abordaient sous de nouveaux angles, par le regard de l’expérience personnelle, comment est perçue la question de la liberté académique et de la liberté d’expression, et, a fortiori, les attentes exprimées au regard du SCCCUL pour la suite des choses.

À la suite de cette rencontre, le syndicat produira un mémoire sur la question qui sera acheminé à la FNEEQ, et que nous ne manquerons pas de partager.

Élisabeth Cyr
Vice-présidente à la vie syndicale et à la mobilisation

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