Steeve Mercier est chargé de cours au Département de langues, linguistique et traduction depuis 2011 où il offre des cours en français et en anglais à des francophones et des non-francophones dans plusieurs domaines de la linguistique : acquisition des langues secondes et des langues maternelles, phonologie, correction phonétique, sociolinguistique, analyse de textes, etc. En novembre 2016, il a obtenu le Prix d’excellence en enseignement de l’Université Laval dans la catégorie Cours à distance pour son cours Le Québec moderne (Voir le vidéo). Ce cours, destiné à un auditoire d’étudiants d’origines diverses (Européens, Asiatiques, etc.) porte sur la culture québécoise et sa langue. Regard sur les dessous d’un prix d’excellence et sur le parcours d’un combattant contre la précarité.
Obtenir un prix d’excellence en enseignement n’est pas anodin. Un tel hommage témoigne de la qualité du cours en question, c’est-à-dire du contenu, de l’approche pédagogique, de l’aptitude à stimuler la curiosité des étudiants, de la capacité à développer chez eux l’observation, l’analyse et la compréhension ainsi que leur sens critique de manière à les rendre autonomes dans l’acquisition future de savoirs et de compétences. Réaliser un tel objectif n’est pas chose facile et demande, de la part de l’enseignant, un bagage de connaissances, de compétences et un engagement quasi sans limite.
À l’arrière-plan du cours Le Québec moderne, il y a d’abord une solide formation universitaire : un doctorat en linguistique théorique et descriptive (Université Laval) et un stage postdoctoral en psycholinguistique (Université d’Édimbourg) précédés d’un baccalauréat en communication publique (Université Laval), un Master 1 en Français langue étrangère et un Master 2 en Recherche en science du langage (Université de Rouen). À ces diplômes s’ajoutent des recherches en phonétique et en phonologie (Université de Calgary et Université McGill), des recherches sur l’apprentissage du français langue étrangère par des apprenants japonophones (Université internationale de Tokyo) et une formation sur l’Approche Neurolinguistique, une nouvelle approche pour l’enseignement et l’apprentissage d’une langue seconde. Le but de ces études et de ces recherches réalisées dans plusieurs universités était notamment de donner le plus de chances possibles au regard de l’intégration dans le monde de l’enseignement universitaire.
Le cours Le Québec moderne a été conçu à partir de ce bagage de connaissances, avec l’exigence personnelle d’en faire un cours d’une haute qualité visuelle et pédagogique. Sa préparation a nécessité 1 500 heures de travail sur une période de deux ans (la plupart non rémunérées), consacrées à la consultation de spécialistes de la culture québécoise et du français québécois. Le soin et le temps apportés à sa réalisation a fait la différence. Par exemple, l’enregistrement des images et du son a été fait avec des caméras et des micros professionnels. Tous les exposés ont été filmés en continu plutôt que phrase par phrase, ce qui a nécessité 100 heures d’enregistrement (comprenant les reprises) afin de donner à ces exposés un caractère fluide et naturel. Le but était de donner à ce cours une couleur riche et un contenu aptes à révéler aux étudiants étrangers le caractère particulier du Québec, de la vie qu’on y mène, de la langue qu’on y parle et de les intéresser à notre culture. La préparation de ce cours a mené de toute évidence à la réussite, dont ont témoigné la réception enthousiaste des étudiants et l’obtention du prix d’excellence.
Que faire pour contrer la précarité?
Il y a une ombre toutefois à ce tableau positif : la précarité. Comme beaucoup de chargées et chargés de cours, Steeve Mercier ne sait jamais s’il donnera ou non un cours à la session prochaine. Les connaissances qu’il a acquises, les diplômes obtenus, l’excellence de son travail pédagogique ne lui garantissent en rien la stabilité d’emploi. Dans l’incertitude, il doit fonctionner avec un plan A, un plan B, un plan C, ce qui signifie travailler à temps partiel pour plusieurs employeurs, dans des lieux différents, avec tout ce que cela suppose de stress, d’horaires exigeants et de frustrations. Avec 61 PECC reconnus dans son domaine d’enseignement, une formation universitaire internationale, sa thèse de doctorat publiée, des expériences de travail qui faisant le pont entre la pratique et l’enseignement, un prix d’excellence, il se demande avec raison : « Que faire de plus pour sortir de la précarité? »
Cette question nous amène à nous interroger sur le système universitaire dans lequel nous travaillons. Faudrait-il revoir les catégories d’enseignants, enseignants-chercheurs, enseignants praticiens? Dans les deux cas, obtenir la reconnaissance et la sécurité d’emploi? Comment se fait-il qu’une formation universitaire accomplie, couronnée par un prix d’excellence, ne permette pas de savoir de quoi sera fait le lendemain? C’est ce qui se dégage dessous le prix d’excellence de Steeve Mercier.
Anne Beauchemin
Vice-présidente aux communications
En collaboration avec Steeve Mercier
Chargé de cours au Département de langues, linguistique et traduction