Emmanuelle Reny-Nolin est chargée d’enseignement au Département de mathématiques et de statistique où, depuis 2004, elle enseigne la statistique aux étudiants de sciences et de génie. En plus de ses charges de cours, elle supervise le Centre de dépannage et d’apprentissage en mathématiques et statistique (CDA) que consultent, session après session, des centaines d’étudiants. Antidote aux grands groupes, le Centre de dépannage est un lieu où l’enseignement est fondé sur des échanges en vis-à-vis entre un étudiant et un tuteur. Coup d’œil sur les bienfaits de cette manière d’enseigner et d’apprendre, et sur celle qui en tient les rênes.
Après un bref passage en histoire à l’Université Laval, Emmanuelle Reny-Nolin choisit finalement les mathématiques : une discipline rigoureuse, voire austère, mais qui recèle des domaines de recherche insoupçonnés, en plus d’innombrables applications concrètes qui permettent d’organiser la vie en société. Les mathématiques, dit-elle, sont utilisées partout : en science, en finance, en psychologie, en médecine, etc. C’est dans cet esprit qu’elle fait un baccalauréat et une maitrise en statistique au cours de laquelle elle a travaillé au Service de consultation statistique que fréquentent des étudiants-chercheurs ainsi que des chercheurs professionnels. Cette expérience de travail rejoint directement ce qu’elle souhaitait développer avec les mathématiques, c’est-à-dire enseigner leur application concrète.
Mais comment atteindre ce but dans l’organisation actuelle de l’enseignement ? Les cours dits « de service » offerts par le Département de mathématiques et de statistique sont caractérisés par une population étudiante qui est loin d’être homogène. S’y inscrivent les étudiants de sciences, de génie, de géomatique, d’éducation, de sciences de l’alimentation et autres, pour qui les mathématiques ne sont pas le champ d’intérêt principal, mais plutôt une compétence à acquérir dans le cadre de leur formation disciplinaire. En outre, le format de ces cours ne facilite pas la communication. En effet, ils sont le plus souvent donnés à de grands groupes, subdivisés en sections pouvant regrouper de 100 à 180 étudiants pour un total allant parfois jusqu’à 600 étudiants. Pour Emmanuelle Reny-Nolin, le défi de donner ces cours en grands groupes est de rendre chaque étudiant intellectuellement actif, dans un contexte où les échanges directs ou spontanés avec l’enseignant sont plutôt rares. Bien que la technologie évolue rapidement, dit-elle, et qu’elle facilite les échanges en dehors de la classe (site web, vidéos, forum de discussion, etc.), l’organisation des cours en classe évolue beaucoup moins vite. Rendre les étudiants attentifs est donc plus difficile dans les conditions actuelles. Il faut alors diversifier les styles d’enseignement.
Une des approches pédagogiques souvent proposées au Département de mathématiques est d’ajouter une heure de cours chaque semaine en compagnie d’un auxiliaire d’enseignement qui résout des exercices avec les étudiants. Cela suppose que les étudiants ont suffisamment assimilé la matière nouvelle pour être capables d’en discuter. Or, les étudiants ne sont pas toujours prêts pour une telle séance, pour plusieurs raisons : rythme d’apprentissage plus lent, problèmes mathématiques antérieurs non résolus, crainte à poser des questions en classe, etc. C’est ici qu’entre en jeu l’un des bienfaits du CDA puisqu’il permet à tout étudiant d’avoir une consultation individuelle avec un tuteur ou une tutrice qui le prend précisément au point où il est rendu dans son cheminement. Ce soutien individuel, note Emmanuelle Reny-Nolin, est très productif : il diminue le stress chez les étudiants, humanise les relations, et font ainsi contrepoids aux grands groupes. Le Centre est ouvert 33 heures par semaine, avec ou sans rendez-vous. Sa popularité ne fait pas de doute. Aux sessions d’automne 2016 et d’hiver 2017 respectivement, 3 200 consultations ont été offertes à plus de 600 étudiants différents pour chaque session. Avancer ces chiffres, c’est souligner le besoin auquel il répond !
L’autre bienfait notoire du Centre de dépannage est la formation pédagogique que les tuteurs et tutrices — des étudiants de 2e ou 3e cycle, parfois de 3e année du baccalauréat —, y acquièrent. Au fil de leur tutorat, ils apprennent à identifier les problèmes récurrents, à s’adapter à leurs interlocuteurs comme à leur niveau de connaissance, à développer un répertoire de compétences en mathématiques et à bien le communiquer. Pour ces tuteurs et tutrices, la relation d’apprentissage s’individualise et s’humanise au contact de chaque étudiant rencontré, ce qui est extrêmement formateur.
Comme l’explique Emmanuelle Reny-Nolin, l’organisation du CDA nécessite une programmation et une supervision soignées quant au choix des tuteurs et tutrices. Ensuite, il faut assurer le suivi du travail effectué, moduler l’horaire hebdomadaire en fonction des besoins des étudiants, etc. En plus de superviser le bon fonctionnement du CDA, elle coordonne également l’attribution de toutes les tâches d’auxiliaires d’enseignement du Département de mathématiques et de statistique, du correcteur à l’assistant en classe. Ainsi, chaque auxiliaire a une chance de se faire valoir et d’apprendre dans un contexte encadré et progressif.
Le Centre de dépannage et d’apprentissage en mathématiques et statistique de l’Université Laval est un modèle d’enseignement à petite échelle, où la réussite devient réalité un étudiant à la fois. À l’ère de l’internationalisation de l’enseignement, de la formation à distance et des visées globalisantes des administrations universitaires, on peut y voir une nécessité incontournable dans l’appui à la réussite des étudiants et une façon de conserver à l’enseignement universitaire une dimension humaine par l’attention accordée à chaque étudiant et étudiante.
Anne Beauchemin
Vice-présidente aux communications
En collaboration avec Emmanuelle Reny-Nolin
Chargée d’enseignement,
Département de mathématiques et de statistique
Faculté de sciences et de génie