Comme bien d’autres organisations, les universités sont en repositionnement quant à leur mission classique si essentielle. La gouvernance des universités québécoises alimente actuellement les manchettes. À Sherbrooke, la grève des professeurs heurte de front la haute administration universitaire. Le renouvellement de la charte de l’Université de Montréal occasionne une levée de boucliers. L’automne dernier, le recteur sortant de l’Université Laval s’est fait sermonner. À l’UQAC et à l’UQAM, les recteurs actuels ne renouvellent pas leur mandat, ce à quoi ils ont droit. Les postes de directeur général à pourvoir à l’ENAP et à l’INRS illustrent des difficultés de recrutement. En 2015, à Trois-Rivières, la rectrice a démissionné en cours de mandat. Pour tout le Canada, en réalité, l’expression « épidémie de recteurs en difficulté » est utilisée dans le bulletin Affaires universitaires.
Largement causé par les contraintes financières, ce gros malaise dans les universités s’impose dans des agendas déjà chargés au sein des rectorats. Sous leurs yeux, un nouveau monde émerge en accélérant les changements dans un contexte de concurrence universitaire mondiale stimulée par l’impulsion numérique. Comme bien d’autres organisations, les universités sont en repositionnement quant à leur mission classique si essentielle. Face aux nombreux défis, les gouverneurs universitaires cherchent à maximiser leur attention sur le visionnement des voies d’avenir, l’examen des options et l’orientation de leur établissement. Dispensatrices de savoir cumulatif, les universités sont inévitablement des acteurs névralgiques du Québec en réinvention. Avec les grandes forces en présence, un dialogue renouvelé pourrait conduire à de nouvelles convergences d’intérêts en offrant aux universités les moyens de leurs ambitions en regard de l’excellence en enseignement, en recherche et en services à la collectivité.
Engagement initial
Au cours des années 1960 au Québec, l’éducation supérieure devint un droit défendu et aussi un devoir bien affiché par l’État en matière de développement culturel, social et économique. À l’époque, seulement 3 % de la population possédait un grade universitaire. Selon l’ISQ, en 2014, ce ratio atteignait 29,4 %, tiré par les taux élevés de Montréal (46,5 %) et de Québec (33,5 %). Puisque ce niveau d’éducation universitaire est inférieur à la moyenne canadienne, les efforts accrus doivent se poursuivre. D’autant plus que les régions périphériques québécoises, jadis bien dotées par la grande industrie d’attrayants emplois bien rémunérés, n’ont en conséquence que 17,1 % de leur population disposant d’un diplôme universitaire.
Signalons qu’avec l’enseignement de qualité et la recherche qui l’enrichit, d’autres modalités permettent l’engagement des universités québécoises. Nous pensons tout de suite à la recherche et développement, mais aussi aux transferts technologiques, à la délocalisation de programmes hors campus ainsi qu’aux interventions directes au sein des organisations publiques, privées et collectives. En outre, de nombreux universitaires s’impliquent dans des maillages articulés au sein de grappes de PME. D’autres pilotent des réflexions collectives autour de dossiers spécifiques en mobilisant des experts. Certains affirment leur rôle intellectuel par divers moyens, y compris l’organisation d’événements, la vulgarisation scientifique, les chroniques dans les médias, l’animation communautaire, le militantisme. Plusieurs universitaires encore jouent un rôle entrepreneurial actif par des commandites de recherche, la valorisation mercantile de brevets, l’incubation d’initiatives.
Bref, l’université contemporaine représente au Québec un véritable moteur d’innovations sociales, culturelles, politiques et économiques. Il s’avère impératif de préserver sa mission traditionnelle. Sont ainsi déplorées les centaines de postes de professeur non pourvus actuellement dans les universités québécoises. En souffrent beaucoup les programmes de 1er cycle, qui représentent le socle de l’université. Se révèle tout aussi déplorable le recul actuel du financement de la recherche universitaire après la forte poussée des années 2000 qui a pertinemment alimenté les programmes et les étudiants de cycles supérieurs. […]
Partenariats
Mis à part les grandes infrastructures de transport, les universités situées en région représentent le meilleur outil de développement régional jamais conçu. D’une manière générale, elles facilitent l’accessibilité aux étudiants, en particulier les moins mobiles, les adultes, les travailleurs, les moins fortunés ou tout simplement les personnes qui désirent étudier en région. Les effets de rétention de l’expertise sont évidents. Aussi, les universités sises en ces lieux modulent généralement des recherches, des enseignements, des formations en fonction de spécificités territoriales. Elles possèdent ainsi leurs spécialités. Il faut savoir que les universités en région québécoise sont très engagées dans leur milieu qui, en retour, le leur rend bien.
Dans l’immensité du territoire québécois, les universités font face à des enjeux régionaux bien particuliers reliés aux problématiques de l’eau, des mines, des forêts de feuillus et de résineux, de l’aluminium, des ressources maritimes, du givre, de l’agriculture, de l’énergie renouvelable, des collectivités autochtones, des changements climatiques, de la nordicité, du transport. Ces enjeux sont ciblés par la recherche spécialisée autant dans les grandes universités de Montréal et de Québec que dans les laboratoires ancrés sur le terrain en région. Ces deux sources sont essentielles et complémentaires. Pour éviter les duplications, les inefficacités et les incohérences, des partenariats s’avèrent nécessaires dans un esprit de synergies. De nombreux enjeux s’y prêtent bien.
À cet effet, en Gaspésie, en Abitibi-Témiscamingue et au nord des Laurentides en général, le problème crucial à résoudre réside dans le déclin démographique, surtout causé par le progrès technique et technologique qui élimine les emplois. Et la solution réside dans la diversification économique de cet immense Québec des régions. Cette périphérie québécoise ne sera jamais l’Ohio ou le sud de l’Ontario. Mais elle sera occupée, aménagée, développée et gouvernée. Les infrastructures sont déjà en place ou en planification. Il reste aux universités québécoises à optimiser leur engagement, en partenariat et en solidarité, pour jouer pleinement leur rôle en ce qui concerne le savoir et le savoir-faire nécessaires en ces lieux.
Source : http://www.ledevoir.com/societe/education/492920/l-engagement-des-universites