Nous avons le droit à notre place, par Katia Lelièvre, 3e vice-présidente de la CSN

Bonjour à toutes,

Je dois d’abord vous dire que je suis honorée d’avoir été sollicitée pour écrire un article dans votre cahier du 8 mars pour la Journée internationale des droits des femmes sous le thème Résistances féministes. Honorée oui, mais aussi un peu perplexe sur ce que j’allais bien pouvoir vous dire. J’ai donc dû m’arrêter et prendre le temps d’y penser, rétrospectivement.

Bien que je me considère chanceuse de travailler dans un milieu où les rapports sont plus égalitaires, cela n’a pas toujours été le cas. Je suis militante depuis 1997, d’abord dans le milieu communautaire puis comme représentante syndicale au début des années 2000 à la SAQ. Si tout le monde considérait normal de voir une jeune femme militer pour une maison de la famille, ce le fut beaucoup moins dans le milieu syndical. À cette époque, il n’y avait que très peu de femmes impliquées dans mon syndicat et encore moins à la direction de l’entreprise.

Les blagues sexistes ou à connotation sexuelle étaient pratiques courantes chez les cadres intermédiaires qui ne supportaient pas de devoir régler des dossiers avec une femme. J’ai même développé une technique de « serrage de main » prévenant ainsi le « broyage de doigts » par des messieurs en mal de supériorité qui souhaitaient me rappeler mon rang! Un ongle enfoncé dans le tendon du poignet, ça a le mérite de rappeler à cette grosse main que des techniques, bien que différentes, peuvent donner des résultats similaires… Une femme qui se fâche, ce n’est pas beau, un éclat de colère devant une injustice flagrante devient une marque de faiblesse, que dis-je d’hystérie! Un PDG de la SAQ, m’a même déjà dit : « Ne te fâche pas comme ça, tu es plus jolie quand tu souris. » Être jolie? Mais dans quel but être jolie quand on nous privatise par morceaux, qu’on nous optimise en nous coupant des ressources et qu’on amoindri notre qualité de vie avec des horaires qui rendent la vie familiale impossible. Être jolie, c’est le dernier de mes soucis et certainement aussi celui des membres.

La situation a évolué à la SAQ comme ailleurs dans les milieux de travail, les femmes ont pris leur place, mais pas encore toute celle qui leur revient. Dans le milieu syndical, bien que l’enjeu de l’équité homme/femme soit au cœur des préoccupations et des actions depuis bien longtemps, encore aujourd’hui, même si beaucoup moins présent et toléré que par le passé, il existe des relents des « boys’ clubs » qu’il ne faut pas trop déranger, des habitudes où la performance se calcule par le nombre d’heures tardives passées au bureau et pour lesquels la conciliation travail/famille est un signe de faiblesse. Nous pouvons nous réjouir de la représentativité paritaire de l’exécutif de la CSN, avec comme présidente et secrétaire générale deux femmes pour la deuxième fois en 100 ans et de l’arrivée en poste de la première femme à la tête de la FTQ. Le travail accompli est colossal, mais un peu partout, il faut lutter contre le paternalisme et le patriarcat, même involontaire.

Cela dit, la montée de la droite au niveau mondial entraîne aussi des répercussions plus près de nous. Des groupes radicaux œuvrent à réduire les droits durement et chèrement acquis, que ce soit pour les femmes ou pour les groupes souffrant de discrimination. L’attaque au droit à l’avortement, la marchandisation du corps des femmes et la douloureuse vague de féminicides en sont des exemples frappants.

Je terminerais par une réflexion personnelle que m’a apporté mon parcours au fil des dernières années. Les femmes doutent plus d’elles-mêmes, se remettent régulièrement en question ou laissent souvent leur place par manque de confiance en elles. Il est encore difficile de faire les choses différemment, de les faire à notre façon, à la manière des femmes. Mesdames, nous sommes intelligentes, fortes et sensées. Nous avons le droit à notre place, au même niveau que les hommes et on ne doit pas laisser les relents de notre éducation nous ralentir. La lutte des femmes n’est pas contre les hommes : elle doit passer par une conviction intime que chacune d’entre nous a entre les mains tout ce qu’il faut pour rayonner, et ne laisser personne, même pas notre imposteur intérieur, nous dicter le contraire.

Nous sommes brillantes, nous sommes fortes, nous sommes capables et ensemble on va y arriver.

Solidarité mesdames, je vous souhaite une belle Journée internationale des droits des femmes. Soyons toutes des résistantes féministes. Le monde ne s’en portera que mieux!

Katia Lelièvre
3e vice-présidente de la CSN

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