On célèbre, avec raison, les succès et les réussites des femmes qui atteignent les sommets dans leur domaine. Le syndicalisme n’échappe pas à la vague et de plus en plus de femmes y trouvent leur place, y compris dans les postes décisionnels les plus importants, comme la présidence de centrales syndicales et de divers organismes.
Dans la foulée de la sortie de l’excellent documentaire « Je vous salue salope, la misogynie au temps du numérique », les militantes du comité de la condition féminine du Conseil central de Québec‑Chaudière‑Appalaches (CSN) ont voulu savoir ce qu’il en était de la cyberviolence en contexte syndical.
On le sait, une forme de violence patriarcale particulièrement vicieuse se déploie de manière décomplexée sur Internet. Selon les dernières statistiques, 73 % des femmes ont déjà subi une forme de violence en ligne. De quoi parle-t-on? Par exemple, 53 % des jeunes femmes ont déjà reçu des images sexuellement explicites qu’elles n’avaient pas sollicitées. De plus, 54 % des femmes qui ont été victimes de cyberviolence connaissaient l’agresseur. Résultat, pour la moitié des femmes, Internet n’est pas un endroit sûr pour partager leurs idées.
On aurait pu espérer que le mouvement syndical soit un espace sécuritaire pour les femmes qui décident de s’y investir, or, il n’en est rien. Les militantes et les dirigeantes syndicales sont soumises exactement aux mêmes formes de cyberviolence que toutes les autres femmes. Sans même faire d’appel à toutes, simplement en demandant aux femmes impliquées dans notre mouvement syndical, nous avons trouvé assez de matériel pour monter un atelier au complet portant sur la cyberviolence qui leur est destinée.
Cet atelier coup de poing fut présenté lors de la dernière assemblée du conseil central. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce fut un choc pour les hommes présents! Savoir que leurs collègues reçoivent des commentaires plus qu’inappropriés, c’est une chose; de voir ces mêmes commentaires défiler à l’écran, c’est autre chose.
Des militantes syndicales reçoivent ainsi régulièrement des commentaires sur leur habillement, des avances sexuelles, des « compliments » sur leur corps, etc. Cela arrive pendant et après des assemblées syndicales, pendant et après des visites sur des lignes de piquetage, pendant et après des représentations politiques et des passages dans les médias. Parfois les commentaires sont dits de vive voix, souvent ils arrivent par texto, par Messenger ou sur les médias sociaux.
Certains commentaires visent clairement à déstabiliser et faire taire les femmes qui occupent l’espace public.
Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Ces commentaires et textos déplacés sont une forme de violence patriarcale dont l’effet concret est de déstabiliser et rabaisser des militantes et qui ne peut que miner de l’intérieur le mouvement syndical. En matière de relations hommes – femmes, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a encore beaucoup d’éducation et de chemin à faire. Beaucoup! Ce n’est malheureusement pas demain la veille que les « résistances féministes » perdront leur pertinence.
Mélanie Pelletier
2e vice-présidente au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN)