La rectrice de l’Université Laval, Sophie D’Amours, a accepté de répondre aux questions du SCCCUL en lien avec le leadership au féminin.
Être une femme au sommet, est-ce que c’est différent selon vous que d’être un homme au sommet, et si oui en quoi?
Je pense que c’est différent du fait que nous sommes encore peu nombreuses à occuper ce type de poste. Pour certaines femmes, cette différence est positive, alors que pour d’autres, non. Il y a tout un défi de transition qui est encore présent, selon le milieu dans lequel on se trouve. Il y a toujours une partie de la population qui a des attentes différentes envers les femmes leaders. Il nous manque parfois des repères ou des réseaux féminins pour partager nos vécus et nos expériences.
Quels écueils avez-vous rencontrés durant votre parcours et que vous pourriez aujourd’hui transformer en conseils pour les femmes qui souhaiteraient s’inspirer de votre carrière?
Comme tout le monde, j’ai eu à surmonter des écueils. On ne gagne pas tout le temps. Dans ma carrière de professeure, j’ai fait face à des refus de subventions, j’ai dû reprendre des papiers de recherche. Des obstacles que je considère normaux. Une des choses qui m’a beaucoup aidée dans la vie, c’est le sport d’équipe. On y apprend à gagner, à perdre, à se relever en équipe et à apprécier le talent de nos coéquipières et coéquipiers. Je suis une personne qui fait beaucoup de rétrospection et qui essaie d’apprendre de situations. Car la vie, c’est un grand parcours d’apprentissage. Le conseil que je donnerais aux femmes, c’est de persévérer. Je ne crois pas au succès instantané et facile. Il faut mettre les efforts. Et ce travail constant est plus facile à réaliser quand on est animée par une mission, que lorsqu’on pense à gravir des échelons. Je pense que notre carrière peut avancer lorsqu’on est à l’écoute des autres et que l’on trouve des voies de passage, des solutions, au bénéfice de toutes et de tous.
Quelles aides, personnes ou ressources, souhaiteriez-vous remercier ou saluer pour votre réussite actuelle?
Toutes les équipes qui travaillent avec moi, tout le temps. On ne fait pas grand-chose toute seule dans la vie. J’ai beaucoup de gratitude envers les personnes qui m’entourent, et aussi envers mes professeurs, mes mentors et mes collègues. Des personnes qui m’ont formée, qui m’ont aidée à devenir qui je suis. Dans mon cas, comme j’ai évolué dans un milieu d’hommes, ce sont souvent des hommes qui m’ont fait confiance. À titre d’exemple, le collège électoral qui m’a élue pour un deuxième mandat était majoritairement composé d’hommes.
Quelle différence pensez-vous apporter en tant que femme dans le poste que vous occupez?
Je pense que la meilleure façon de montrer l’exemple est d’être moi-même. Il y a eu une époque où on a pensé que les femmes qui étaient à la tête d’une organisation devaient jouer un rôle. J’espère que les gens voient que je ne joue pas de rôle. Ce que je dis, je le pense profondément. Et je pense que si une leader reste elle-même, ça aide les jeunes femmes à assumer pleinement leur identité, leur caractère et leur façon d’être, peu importe leurs ambitions.
La conciliation travail-militantisme-études-famille, qu’est-ce que ça évoque pour vous?
C’est un défi de tous les jours. C’est encore plus vrai maintenant que je suis grand-maman et que j’aide mes parents. J’avance dans la vie, alors il y a des besoins différents autour de moi qui m’interpellent. Dans mon poste de rectrice, je peux difficilement improviser. Il faut que j’organise ma vie pour que des moments précieux soient préservés avec ma famille. Sinon, ce sont toujours ces occasions que l’on est porté à négliger. Ces moments passés avec nos proches aident à nous libérer l’esprit. Si je ne leur accorde pas de place dans ma vie, je suis malheureuse et moins fonctionnelle à long terme. C’est un défi constant, mais c’est important.
Quels défis identifiez-vous pour les femmes dans les années à venir?
Je pense que les défis à venir sont autant pour les femmes que pour les hommes qui occupent des postes de leadership. Nous sommes aux prises avec la réalité des médias sociaux, qui peut être brutale. Nous avons comme défi de rester calmes et de nous élever au-dessus des propos qui manquent de respect, qui sont agressifs ou humiliants. Aujourd’hui, on voit des hommes et des femmes décrocher à cause de ça. Comme société, je crois que l’on doit protéger ces espaces publics de réflexion et d’expression au bénéfice de débats sains. Il faut continuer de défendre fermement la civilité et le respect. Ce que j’entends aussi, c’est que les gens sont souvent plus durs et plus agressifs envers les femmes sur les médias sociaux et cela, on ne peut pas le tolérer comme société.
Quel bilan acquis/luttes à poursuivre faites-vous à l’heure actuelle pour les femmes qui aspirent à des postes décisionnels?
Même s’il reste du chemin à faire, je pense qu’on a fait du progrès et qu’on continue d’en faire. L’équité, la diversité et l’inclusion vont au-delà de la différence entre les femmes et les hommes et il faut, selon moi, s’intéresser plus largement à cette question, en étant sensibles aux diverses réalités. Notre société doit offrir la possibilité à toutes et à tous de s’épanouir. Je pense que nous avons encore des défis à ce chapitre et qu’il faut continuer d’y travailler.
Merci beaucoup, Madame la rectrice, pour votre belle participation à notre cahier du 8 mars.
Élisabeth Cyr
Vice-présidente à la vie syndicale et à la mobilisation
Marta Teixeira
Vice-présidente aux communications