À l’invitation du Syndicat, vous avez été nombreuses et nombreux, le 15 avril dernier, à venir discuter autour du thème suivant : « Université et personnes chargées de cours : notre contribution à la société ». Lors de ce midi-réflexion était notamment discutée la place des personnes chargées de cours dans l’université québécoise du futur, alors qu’une révision des structures a été récemment discutée par de nombreux acteurs et actrices du monde universitaire.
Notre contribution à la société n’est pas banale : il y a environ 10 000 personnes chargées de cours qui ont enseigné minimalement un cours pour chacune des années 2019 et 2020, selon les données fournies dans le rapport du Chantier sur l’université québécoise du futur. De ce nombre, nous avons été 1300 à enseigner à l’Université Laval au cours de la dernière année. Pour vous donner une échelle de grandeur, on peut dire qu’il y a environ autant de personnes chargées de cours au Québec que de pharmaciens et pharmaciennes (selon des données de 2018, tirées du site d’Emploi-Québec).
Comme enseignants universitaires contractuels, notre rôle déborde souvent de l’université : trois aspects ont particulièrement coloré nos discussions.
Une identité positive, mais parfois floue
Comment se reconnaître, se définir? Qu’est-ce qui ne nous caractérise comme personnes chargées de cours et comment faire valoir notre expertise comme membre de l’université, mais aussi comme membre de la société ? Comment être mieux reconnus comme enseignants contractuels et comment défendre ce statut en dehors des murs de l’université?
Notre identité « statutaire », comme groupe d’emploi, est particulièrement complexe à cerner en raison d’une accumulation de rôles et d’identités au sein du marché du travail. Si les personnes chargées de cours enseignent régulièrement à l’université, elles cumulent souvent d’autres fonctions : à la fois chargées de cours et chercheures (comme doctorant, comme professionnelle de recherche, comme coordonnateur, comme chercheur indépendant ou associé); à la fois chargée de cours et professionnelle en exercice (de la santé, de l’éducation, de l’administration, du droit, en biologie, etc.); à la fois chargée de cours d’une université et travailleuse d’une institution publique, d’une entreprise privée, d’une organisation communautaire. Nous avons un double (voire triple) chapeau susceptible de nous forcer à choisir quel « expert » mettre de l’avant dans une situation donnée. Mais surtout, comment pouvons-nous distinguer notre contribution de celles des autres membres des universités, comme les professeures et professeurs?
Pour une véritable vision collégiale de l’université
Lors de ce midi-réflexion, le Syndicat a été invité à poursuivre ses interventions auprès de l’administration afin d’inclure, le plus souvent possible, les personnes chargées de cours et leurs représentants dans toutes les sphères de discussion importantes pour l’université. À ce sujet, il faut souligner le très bon exercice qui a mené à l’adoption, par le conseil universitaire de l’Université Laval, d’un Énoncé de principe sur la liberté d’expression. Cette façon de travailler est un exemple récent d’une réelle collégialité qui a laissé la place à toutes les voix en permettant aux diverses personnes intervenantes sur le campus de discuter, de questionner ou encore d’apporter des nuances au projet d’Énoncé, afin de construire ce consensus porté par les acteurs de notre université.
Or, si l’administration actuelle a travaillé avec cette volonté de mieux reconnaître notre corps d’emploi, ce que nous soulignons très favorablement, on constate toutefois que cette reconnaissance s’effrite rapidement (comme le présente le texte sur l’invisibilité). Comme groupe important au sein de notre institution, nous continuerons de revendiquer une plus grande place à l’intérieur de notre université, à viser une collégialité sur tous les fronts qui est, et doit, demeurer au cœur du fonctionnement de notre institution.
Une place sociale à prendre et à revendiquer
Notre co-animatrice de la rencontre et nouvellement élue à la vice-présidence aux communications, Marta Teixeira, a posé de bonnes questions pour réfléchir à l’identification sociale de notre corps d’emploi et, également, à notre positionnement comme syndicat. Quel groupe voulons-nous être?
- Un groupe engagé socialement vis-à-vis des causes importantes et, dans cet esprit, des agentes et agents de transformations sociales? Le Syndicat doit continuer à faire valoir un discours porteur d’une plus grande justice sociale, d’une réelle révision des structures favorables à une meilleure répartition de la richesse. La lutte syndicale est aussi une lutte féministe, une lutte environnementale et une lutte anti-raciste.
- Un groupe intellectuel et reconnu pour la qualité de ses interventions et des débats auxquels il participe dans les lieux sociaux et les médias ? C’est déjà le cas, mais il faut continuer à intervenir dans les médias et comme spécialistes, en s’identifiant comme chargés de cours experts.
- Un groupe qui contribue, par l’enseignement mais aussi par la recherche, au développement des connaissances? Oui, bien sûr. Si le volet enseignement est bien reconnu, nous devons redoubler d’efforts pour mieux faire reconnaître notre contribution, sous plusieurs formes, à la recherche.
- Un groupe de praticiennes et praticiens réflexifs, c’est-à-dire engagé dans une pratique professionnelle enracinée dans des recherches et des données probantes? Définitivement. Notre rôle de chargés de cours universitaires nous amène à développer des pratiques proches des connaissances scientifiques les plus à jour dans nos domaines spécifiques.
En somme, on pourra convenir que cette discussion fort intéressante nous a rappelé à quel point nous faisons partie d’un groupe important, mais qu’il faut demeurer vigilant pour maintenir notre place et nos gains. La poursuite du développement de notre mouvement dans l’espace social, mais aussi la lutte pour notre reconnaissance et notre intégration durable à l’université, demeurent au centre de nos liens solidaires.
Syndicalement,
Christine Gauthier
Présidente