De plus en plus de personnes choisissent de poursuivre des études universitaires malgré la pandémie, et c’est tant mieux. Nous sommes là pour elles et pour eux et nous allons les soutenir jusqu’au bout dans leurs projets de formation.
Mais l’Université, en n’offrant pas les conditions adéquates pour enseigner, notamment en ne balisant pas la taille des groupes-cours de façon raisonnable, attend de nous l’impossible.
Comment voulez-vous qu’on enseigne de manière satisfaisante, sans s’épuiser, avec 256 étudiants inscrits dans une classe virtuelle synchrone? Voici pourquoi, à partir de quelques exemples :
- Animer une discussion sur le forum avec autant d’étudiants en mode virtuel est périlleux. Il faut vérifier sept jours sur sept si les interventions des étudiants sur le forum sont adéquates, pertinentes au regard de la matière, si elles ne créent pas de confusion, etc.;
- Réaliser plusieurs évaluations et activités d’apprentissage est un « pensez-y bien». Certains choix alourdissent considérablement la charge de travail, et ce, malgré le recours à des auxiliaires d’enseignement;
- Créer des ateliers virtuels pour rencontrer les étudiants et leurs équipes de travail, faire des exposés oraux ou des analyses de cas s’avèrent souvent des choix pédagogiques intéressants, mais trop complexes à réaliser, faute de temps pour le suivi;
- Poser des questions en grand groupe exige une logistique technopédagogique quasi impossible : cette activité ne peut être organisée qu’avec un outil « sondage ». Dans cette situation, combien d’heures passons-nous pour créer des outils préparatoires afin de dynamiser le cours?
N’oublions pas non plus les problèmes technologiques, toujours susceptibles de perturber et de fragiliser toute séance de cours, et dont les difficultés sont accrues par le très grand nombre d’intervenants.
Bref, quand on regroupe 256 étudiants dans un cours virtuel, on vient vraiment de couper les ailes des enseignantes et enseignants universitaires et de réduire considérablement le spectre des possibilités pédagogiques. Ce choix ne sert ni les personnes étudiantes ni les personnes enseignantes. Qui sert-il alors?
Un nouveau contingentement à 999 étudiants?
Alors que la grandeur de l’auditorium contribue généralement à limiter le nombre de personnes inscrites à un cours en présentiel, les possibilités accrues qu’offre le numérique deviennent parfois le prétexte pour intégrer un très grand nombre d’étudiants dans un même cours à distance ou en comodal. Ultimement, à défaut de prévoir des « sections de cours », une seule personne enseignante serait requise pour enseigner un cours à distance à 300 ou 400 étudiantes et étudiants (et dont la limite peut être aussi élevée que le nombre d’inscriptions permis par le système, i.e. 999 pour le portail de cours développé par l’Université Laval).
Autre problème, certains cours en présentiel dont les ratios d’étudiants ont été contingentés par les comités de programme ont vu ces dits ratios bafoués depuis le début de la pandémie. Comme si le fait d’être à distance rendait caduque l’évaluation faite par les comités de programmes. Comme si la charge de travail que représente normalement un tel cours était subitement disparue en raison du contexte actuel.
Nous disons : non! aux amphithéâtres virtuels et aux économies d’échelle sur le dos des enseignants contractuels.
La seule solution viable : baliser la taille des groupes-cours
On nous répond souvent que le cours se donne en FAD, que les capsules sont déjà montées, qu’ajouter quelques dizaines d’étudiants n’augmentera pas beaucoup le travail, ou encore qu’on peut embaucher des auxiliaires pour nous aider.
Voici pourquoi embaucher toujours plus d’auxiliaires d’enseignement n’est pas une solution viable.
Premièrement, ces auxiliaires sont un soutien à l’enseignement et ne peuvent pas remplacer le travail de la personne chargée de cours. Ce sont les enseignants universitaires qui sont les spécialistes du contenu, qui doivent faire le travail d’encadrement, qui doivent préparer les évaluations, qui doivent intervenir en cas de situation particulière ou de contestation.
Deuxièmement, ce serait un dangereux glissement que de confier tout le travail d’encadrement à des étudiants et étudiantes universitaires. Autrement dit, que ce soit des étudiants qui encadrent d’autres étudiants pendant toute la session. L’évolution de l’apprentissage au cours d’une session relève de notre travail et nous sommes imputables de la qualité des évaluations et des enseignements dispensés. De plus, nous voulons ce contact pédagogique avec nos étudiantes et nos étudiants.
Troisièmement, notre travail est d’enseigner, pas d’être « gestionnaire » d’une équipe d’auxiliaires d’enseignement. De fait, dans les très grands groupes, la personne chargée de cours supervise une équipe pouvant aller jusqu’à 12 auxiliaires pour un seul cours (dans des exemples qui nous ont été rapportés par des membres du SCCCUL), avec tous les risques de biais ou de reprise des corrections que cela suppose en cas de problèmes dans les évaluations, notamment.
Enfin, on nous répond aussi parfois qu’en raison du très grand nombre d’étudiants, on peut les diviser en deux sous-groupes. Autrement dit, enseigner la moitié des heures prévues à chacun des étudiants. Leur a-t-on demandé ce qu’ils pensaient de cette solution de couper leurs heures de formation de moitié?
La fatigue se fait de plus en plus sentir auprès de nos membres en cette fin de session pandémique à distance. Il n’est pas trop tard pour changer le plan de match pour la session d’hiver. Il n’y a rien de farfelu non plus à mieux baliser la taille des groupes en faisant plus d’une section de cours. Tout le réseau collégial le fait. L’Université du Québec en Outaouais l’a fait récemment en signant une lettre d’entente avec son personnel chargé de cours pour convenir de ratios plus raisonnables pour la session d’hiver et en créant au besoin deux sections de cours. Je suis certaine que l’Université Laval a tout à gagner à reconnaître l’importance de cet enjeu pour la qualité de l’enseignement. Si, comme chargées et chargés de cours, nous sommes responsables de la qualité du contenu de l’enseignement, l’Université, elle, est responsable des conditions dans lesquelles nous enseignons.
Christine Gauthier
Présidente