Chargés et chargées de cours, chercheurs et chercheures : des rôles irréconciliables?

Le magazine Affaires Universitaires nous rappelait récemment que trois docteurs sur quatre ne trouveront pas d’emploi de professeurs à la fin de leur parcours de formation. Si l’intégration à la carrière professorale est de plus en plus difficile, le bassin de docteurs et doctoresses, lui, ne cesse d’augmenter, contribuant par le fait même à grossir les rangs des chargées et chargés de cours détenteurs d’un Ph. D.

Engagées dans une « carrière » d’enseignant universitaire à statut précaire, ces personnes formées pour la recherche et hautement spécialisées dans leur domaine désirent pourtant poursuivre leur engagement comme chercheur, continuer à publier, construire leurs réseaux et faire connaître les résultats de leurs recherches. Or, les obstacles structurels et institutionnels pour maintenir leurs activités de recherche sont cependant nombreux pour ces enseignants relégués à des emplois mal rémunérés et empêchés dans leurs aspirations professionnelles.

Le 3 mai dernier, à l’invitation du Syndicat des professeurs et professeures ainsi que du Syndicat des chargés et chargées de cours de l’UQAM, plusieurs acteurs du milieu universitaire se sont réunis pour discuter de l’avenir de la recherche. Cette journée de réflexion entre professeurs, chargés de cours, étudiants et professionnels de recherche a permis de poser un regard critique sur plusieurs aspects problématiques de la culture de recherche actuelle.

Cette culture, via son modèle de financement élitiste, reconnaît mal le rôle des divers acteurs engagés dans la recherche. Pour les professionnels et professionnelles de recherche, impossible par exemple de participer comme chercheurs associés à des projets s’ils sont par ailleurs rémunérés par ces mêmes fonds. Si les chargés et chargées de cours peuvent s’identifier comme chercheurs associés lorsqu’ils sont rattachés à un centre ou une Chaire de recherche, impossible cependant d’obtenir du financement pour leurs projets spécifiques.

Cette culture favorise par ailleurs une forte concurrence et une répartition très inéquitable de ces fonds. Comme l’a déjà mentionné un syndicaliste français, le problème de « l’excellence » en recherche, en concentrant les sommes allouées à un petit nombre de chercheurs au détriment d’une diversité de projets, est qu’on arrose (et réarrose) ceux et celles qui sont déjà bien mouillées et qu’autour, on assèche.

Les chargées et chargés de cours sont de plus en plus nombreux à vouloir accéder à des fonds de recherche et à être reconnus comme des acteurs en recherche-création. Ces rôles sont complémentaires et les universités n’ont pas intérêt à favoriser un clivage entre enseignement et recherche.

De plus en plus d’universités, dont l’UQAM et l’UQAC, ont d’ailleurs récemment reconnu dans les conventions collectives la contribution des chargées et chargés de cours au rayonnement des universités du fait de leurs activités de recherche. À l’UQAC, des fonds peuvent même être alloués à des chargés de cours qui souhaitent mener des recherches.

À titre de grande université de recherche au Canada, l’Université Laval doit s’inscrire dans ce mouvement et reconnaître que les chargées et chargés de cours qui œuvrent en recherche et création sont des acteurs importants pour le rayonnement de l’université et de la société.

Christine Gauthier
Présidente

← retour vers Info SCCCUL