Écoutons les femmes dans les universités, par Christine Gauthier

Une année depuis le tsunami pandémique, force est de constater que les femmes ont été particulièrement affectées par la crise sanitaire-socio-économique. Comme mères, la pandémie a placé les femmes dans une situation particulièrement difficile face aux défis de la conciliation travail-famille, de manière plus particulièrement saillante au printemps dernier lors de la fermeture des écoles. Comme travailleuses, les femmes ont été au cœur des emplois du Care et de l’éducation des enfants, elles ont été par conséquent nombreuses sur la première ligne à prendre soin des personnes malades et de nos jeunes. Elles ont malheureusement aussi été parmi les groupes les plus touchés par les pertes d’emploi et les diminutions de revenus.

Ce 8 mars 2021, les droits des femmes – à l’éducation, à un travail sécurisé, à un travail reconnu, à un partage juste des responsabilités familiales – font encore l’objet de bien des préoccupations. Non, la lutte à l’équité n’est pas gagnée!

La voix des femmes : de plus en plus forte dans les universités, et c’est très bien ainsi

La Journée internationale des droits des femmes a pour thème cette année : « Écoutons les femmes ». Qu’est-ce que ça donne d’écouter les femmes dans les universités? Et pourquoi faut-il les écouter?

Écouter les femmes a permis de débuter une réelle lutte contre les agressions sexuelles sur nos campus, et particulièrement à l’Université Laval, au cours des dernières années. Cette lutte est centrale dans l’accès à des milieux de travail qui soient plus sécuritaires, plus inclusifs, plus respectueux pour les femmes. Aller travailler, ça ne devrait jamais nous exposer à du harcèlement, à des incivilités, à des craintes pour notre sécurité. La voix forte des femmes pour dénoncer cette réalité fera de nos environnements de travail des milieux plus sûrs.

Écouter les femmes a permis de mieux comprendre les enjeux de précarité professionnelle et les implications de cette précarité sur l’ensemble des sphères de vie. Cette précarité est néfaste pour la planification des projets personnels et familiaux, pour la valorisation et la reconnaissance dans notre travail, pour la construction d’une vie professionnelle riche de sens. Si on continue à écouter les femmes, on va entendre qu’il est urgent de réduire les aléas et les incertitudes de la vie professionnelle des personnes chargées de cours et de tous les personnels précaires en offrant des conditions de travail plus sécurisées, qui permettent de construire une carrière qui soit à la hauteur de nos ambitions professionnelles et de notre bagage de compétences.

Écouter les femmes a permis d’agir sur nos conditions de travail de façon à mieux prendre en compte les défis de la conciliation travail-famille et de la conciliation travail-études-famille pour agir sur cette réalité, notamment en réduisant la charge de travail et en favorisant l’accès à plus de congés. La pression à la performance universitaire, dont notamment le fameux « publish or perish », a remis à l’avant-plan le problème de la discrimination systémique dont sont victimes les femmes dans le modèle de performance des universités. Bravo à ces femmes qui font entendre leurs voix pour dénoncer les implications réelles de cette pression à la performance sur leur carrière, sur leur santé et sur leur vie familiale.

La voix des femmes à l’Université Laval

Si la voix des femmes est de plus en forte dans les universités, cette voix est-elle cependant menacée à l’Université Laval? Le fait d’avoir une rectrice à la tête de l’Université Laval, pour la première fois de son histoire, et de valoriser le choix d’une équipe de direction mixte, contribuent certainement à affermir la voix des femmes. Mais la voix des femmes, bien qu’elle soit plus écoutée et respectée par les collègues de l’Université Laval, doit devenir plus forte encore….

  • Les deux grandes associations étudiantes sont actuellement présidées par des hommes. Une alternance homme/femme est cependant observée depuis les dernières années à la CADEUL, dont le prochain exécutif sera dirigé par une femme.
  • Les principaux groupes de pression, syndicats et associations ont à leur tête des hommes. À l’heure actuelle, une seule femme (moi-même), est porte-parole officielle d’un des principaux syndicats et associations de l’Université Laval.
  • Au regard des doyens et doyennes, la situation apparaît relativement plus paritaire, avec 10 hommes et 7 femmes à la tête des différentes Facultés et Écoles.

Cette analyse genrée de la place faite aux femmes — il est important d’y ajouter d’autres indicateurs —  s’avère nécessaire si on veut réellement pouvoir compter sur des milieux de travail diversifiés tenant compte des différentes voix qui s’y côtoient.  Accorder aux femmes la reconnaissance à laquelle elles ont droit est une condition essentielle pour faire progresser nos campus vers des milieux de travail plus harmonieux, équitables et justes.*

*D’après un entretien accordé par l’auteure au Conseil central de Québec-Chaudière-Appalaches (CCQCA-CSN)  

Christine Gauthier
Présidente du SCCCUL

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Christine Gauthier est chargée de cours au département des fondements et pratiques en éducation, est élue pour siéger au Conseil d’administration de l’Université Laval et est présidente du Syndicat des Chargées et chargés de cours de l’Université Laval.

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