La lutte des travailleuses de Centre de la petite enfance (CPE), qui s’est terminée par l’adoption d’une entente de principe le 10 décembre dernier, doit être célébrée pour ce qu’elle est : une éclatante victoire syndicale et féministe. La lutte des CPE est plus qu’une simple lutte pour les conditions de travail des travailleuses en CPE. C’est une lutte faite par des femmes, pour elles-mêmes, mais aussi pour d’autres femmes et leur avenir sur le marché du travail. La convention collective était échue depuis le 31 mars 2020, mais ce n’est qu’à l’automne 2021 que les travailleuses ont commencé à exercer des moyens de pression. Elles ont mené 10 jours de grève discontinue en septembre, octobre et novembre avant de déclencher la première grève générale de leur histoire le 1er décembre 2021.
Reconnaissance
Être travailleuse en CPE est un métier très valorisant sur le terrain. On se donne énormément pour que chaque tout-petit se développe au maximum. Ce n’est pas rien de prendre soin et de favoriser le plein potentiel de tous ces enfants-là, c’est de la société de demain dont on parle ! Par contre, il faut dire que ce sont des métiers peu reconnus. Par exemple, au début de la lutte, éducatrice à la petite enfance était la technique collégiale la moins bien payée au Québec.
Cette dévalorisation de la profession a fait en sorte que de moins en moins de jeunes s’orientent vers le domaine et s’inscrivent à la technique au cégep. Avant même le début de la pandémie, on pouvait noter une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, pénurie qui s’est aggravée avec la pandémie et des mesures sanitaires alourdissant radicalement les tâches des travailleuses.
Solidarité
Dès le début des moyens de pression, le gouvernement a tenté de diviser les travailleuses en offrant aux éducatrices, qui forment 80 % du personnel des CPE, des salaires très près de la demande syndicale. Malgré cette « ouverture », l’immense majorité des travailleuses a choisi de « ne laisser personne derrière » et de voter massivement la grève générale illimitée en toute solidarité avec le 20 % restant du personnel. Et elles ont eu raison, c’est par la grève générale qu’elles ont pu faire des avancées sur presque tous les points soulevés par les syndiquées et obtenir un rattrapage salarial pour toutes les catégories de personnel.
Pour les travailleuses de CPE, la lutte dépasse les seules conditions de travail. Le réseau des CPE est un service qui a grandement augmenté la place des femmes sur le marché du travail. La pénurie de main-d’œuvre et sa conséquence logique, la pénurie de places, menacent le retour des femmes sur le marché du travail après une grossesse. On ne veut surtout pas revenir en arrière et devoir être devant le non-choix de rester à la maison par obligation pour la garde des tous petits. Les femmes d’aujourd’hui n’ont pas être devant ce non-choix. La grève était donc aussi en solidarité avec les parents, ces derniers l’ont d’ailleurs bien compris en appuyant massivement la grève malgré les désagréments qu’elle leur causait. Même les regroupements de parents en attente d’une place en CPE, comme « Ma place au travail », se sont montrés solidaires de la lutte.
Les travailleuses en CPE ont été déterminées et ont décidé que, cette fois, le gouvernement ne s’en tirerait pas avec des « mercis » et des « bravos pour votre travail ». Elles ont exigé que leur travail soit valorisé à la hauteur de leur compétence. Elles ont dit « c’est assez, nous irons jusqu’au bout » …et elles l’ont fait et ont gagné ! C’est en célébrant ce genre de lutte qu’on peut se dire que l’avenir est féministe !
Mélanie Pelletier, Vice-présidente
Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN)