Jean-Marie Lafortune. « Il faut soutenir toute la mission universitaire ». Le Soleil, 9 mars 2017.

Au cours des dernières semaines, le ministre des Finances, Carlos Leitão, a tenu des consultations prébudgétaires dans plusieurs universités de la province. L’initiative est louable, mais le hic, c’est qu’en plus d’annuler certains de ses déplacements à la toute dernière minute, les rencontres qui ont eu lieu étaient annoncées moins de 24 heures à l’avance sur la page Facebook du ministre.

Devant ce rendez-vous manqué, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) tient à lui témoigner des préoccupations qui animent le corps professoral et qui appellent un réinvestissement qui déborde largement le strict arrimage annoncé avec le marché du travail.

S’ils avaient eu l’occasion de se faire entendre, les professeurs auraient insisté sur l’importance de revaloriser le réseau universitaire et de mettre un frein à la détérioration de plus en plus intenable des conditions de travail et d’études découlant des mesures d’austérité imposées ces dernières années, privant les universités de plus d’un milliard$. Pour rétablir et consolider la qualité de la vie académique, il faut remédier à la grave pénurie de professeurs. En effet, depuis 2012, alors que le personnel de direction et de gérance et les effectifs étudiants ont cru respectivement de 5 % (3582 à 3771, excluant les doyens) et de 10 % (219 000 à 241 000), le nombre de professeurs a pour sa part chuté de 5 (9961 à 9465). Il en découle que le ratio d’étudiants en équivalence au temps plein (EETP) par professeur s’accroît de manière tellement importante qu’il fragilise la qualité de l’encadrement offert aux étudiants et la capacité globale de recherche.

Pallier le manque de ressources académiques

Pour contrer cette tendance, les universités devraient disposer dès l’année 2017-2018 des moyens pour procéder à l’embauche de 2585 nouveaux professeurs et d’un nombre équivalent de membres des autres catégories de personnel directement liées à l’enseignement et à la recherche. Cela permettrait notamment de ramener le ratio actuel de 25,5 EETP/professeur au Québec à 20 (la moyenne canadienne se situant à 18,5). Cet effort financier s’élève globalement à 452,5 M $.

Par ailleurs, avec la simplification des exigences excessives de reddition de compte que réclame la FQPPU, des sommes considérables pourront être épargnées en réduisant la bureaucratie universitaire. On peut ainsi envisager une réduction du personnel de direction et de gérance au niveau qui prévalait en 2012, soit quelque 189 personnes de moins au coût moyen de 140 000$, totalisant 26,5M$.

Le financement actuel de la recherche universitaire est accaparé à 42 % par le champ des sciences de la santé et à 33 % par celui des sciences pures et appliquées, ne laissant que 15 % au vaste champ des arts, des lettres et des sciences humaines et sociales, qui regroupe pourtant 55 % du corps professoral au Québec. Si la FQPPU réclame des fonds additionnels, notamment pour que le gouvernement du Québec compense la chute du budget moyen par professeur de 20 % observé depuis dix ans, elle revendique un nouveau programme qui contribuerait à atténuer le phénomène de concentration.

Estimée à 100 M$ par année, cette mesure consiste en l’instauration d’une subvention de recherche annuelle de base versée à chaque professeur d’université. Un tel programme permettrait une meilleure formation de la relève par l’entremise d’assistanats, favoriserait l’innovation par le financement de projets audacieux, faciliterait la conversion des créneaux de recherche en cours de carrière et encouragerait les projets multidisciplinaires dont les comités d’évaluation des organismes subventionnaires actuels s’accommodent mal.

Les compressions budgétaires cumulées des dernières années ayant mis à mal la réalisation de l’ensemble de la mission universitaire (enseignement, recherche et service à la collectivité), les nouveaux engagements financiers doivent donc se déployer sur ces trois plans. Les membres de la communauté universitaire ne sauraient se contenter d’investissements se limitant à répondre à des besoins ponctuels du marché du travail. À bout de souffle, le personnel exige un répit avec l’entrée en fonction de nouveaux collègues. Privés de services et entassés dans les classes, les étudiants s’attendent à une injection de fonds qui amélioreront leurs conditions d’étude. Avec la marge de manoeuvre financière dont dispose actuellement le gouvernement, il n’y a pas de raison de les décevoir.

Jean-Marie Lafortune, président , Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) 

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