Que signifie être ou devenir allié.e ?

Le Gallo et Millette (2019), chercheures féministes intersectionnelles, ont voulu recenser, dans la littérature académique étasunienne, des publications portant directement sur la notion d’allié.e. Mais elles n’ont pas trouvé beaucoup de matériel : seulement 17 publications scientifiques dont 2 seulement écrites par des personnes concernées. Différentes causes sont illustrées (le féminisme, la diversité sexuelle, les groupes racisés). Ce qui les rejoigne, et qui nous intéresse ici, c’est la notion d’allié.e. J’en retiens quelques éléments que je présente dans ce court texte parce que je pense qu’ils sont tout à fait transposables dans la cause féministe.

Tout d’abord, précisons qu’être allié.e n’est pas un loisir ni une manière de se faire congratuler. La posture d’allié.e passe par une relation authentique avec les personnes concernées. En effet, la préposition « avec » est soulignée par les auteures. Lorsqu’il s’agit de « parler de » ou de « parler pour », on finit par prendre la place de celle qui devrait s’exprimer. Donc « parler avec », ou donner sa place à la personne concernée, serait l’attitude la plus pertinente et utile.

En outre, on ne peut pas s’autodéclarer « allié.e » tout simplement. Quelques questions pourraient contribuer à une meilleure compréhension de ce qui implique être ou devenir allié.e.

  1. Prenons-nous le temps de nous informer sur les situations et les circonstances vécues par les personnes concernées?
  2. Sommes-nous prêts à entendre les réels besoins des personnes concernées, comment et à quel moment nous pourrions leur être utiles ?
  3. Accepterions-nous de laisser tomber certains privilèges si nécessaire ?
  4. Sommes-nous prêt.e.s à prendre certains risques (ou à perdre certaines amitiés) en s’affichant allié.e ?
  5. Quelle est la motivation ou quelles sont les raisons qui nous amènent à vouloir être ou devenir allié.e ?

Une des motivations que je trouve intéressante à souligner, afin d’expliquer la motivation et l’engagement de certaines personnes alliées, est celle d’alliance liminale, proposée par Ryan et Runswick-Cole (2008) cités par Gallo et Millette (2019). Il s’agit d’une personne qui a eu l’expérience de l’oppression sans avoir subi directement l’oppression. Par exemple, le fait d’avoir un enfant, ou un membre de sa famille, qui vit l’oppression dans son quotidien, finit par l’affecter. La volonté de combattre l’injustice se transforme donc en engagement réel pour la cause. Ainsi, la personne alliée liminale se sent concernée car elle est (ou se sent) responsable du bienêtre de son enfant ou du membre de sa famille.

À une échelle plus large, et pour le bienêtre de toutes les personnes de la société, les femmes ont besoin d’alliés engagés. C’est en ce sens que nous pouvons rejoindre le beau souhait d’Élisabeth Cyr au tout début de ce numéro, pour que toutes les femmes trouvent une personne alliée (ou des personnes alliées) pour l’avenir.

Nous remercions sincèrement toutes les personnes qui ont généreusement contribué à ce numéro spécial de l’Info SCCCUL du 8 mars, avec leur photo et/ou avec leur texte. Christine Gauthier nous a fait réfléchir sur l’importance de mettre en pratique les politiques visant une réelle place et parole des femmes au milieu de travail, Barbara Poirier   a souligné les inégalités et la cause féministe dans le secteur public, Mélanie Pelletier  nous a rapporté la lutte et la victoire des travailleuses des CPE, Anne Beauchemin nous a parlé de l’histoire et de la reconnaissance inachevée des femmes dans le domaine des arts, par sa conférence, madame Hélène Langevin, directrice de la Maison Simonne Monet Chartrand, nous a sensibilisé.es et outillé.es quant à la violence conjugale faites aux femmes et Sylvain Marois  nous a présenté le mouvement international #HeForShe. Enfin, nous aimerions remercier Hélène Beaudoin pour la mise en ligne de ce numéro spécial.

Bonne journée internationale des droits des femmes!

Marta Teixeira
PhD en psychopédagogie, chargée de cours au département des fondements et pratiques en éducation ainsi qu’au département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage, militante féministe intersectionnelle et Vice-présidente aux communications du Syndicat des Chargées et chargés de cours de l’Université Laval.

Référence électronique :
Le Gallo, Sklaerenn et Millette, Mélanie (2019) « Se positionner comme chercheuses au prisme des luttes intersectionnelles : décentrer la notion d’allié.e pour prendre en compte les personnes concernées », Genre, sexualité & société [En ligne], 22 | Automne 2019, mis en ligne le 16 décembre 2019, consulté le 07 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/gss/6006 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gss.6006

Teixeira, M. (2021). Quelques repères sur la notion d’intersectionnalité, Info SCCCUL spécial 8 mars 2021.

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