L’Université Laval fait un pas de plus vers une gestion de type LEAN (ou méthode Toyota), développée dans le secteur industriel de l’automobile dans les années 70 et visant l’amélioration des processus de travail. Nous avons appris récemment qu’un ou une conseillère en formation aura notamment pour mandat de « participer à l’élaboration, à l’implantation et au suivi de projets d’amélioration de processus, sur le campus ou à l’externe (…) et assumer un rôle d’expert-conseil Lean auprès de gestionnaires de l’Université voulant optimiser leur processus ».
Disons-le franchement, l’implantation de la méthode LEAN au sein d’une institution d’enseignement soulève d’importantes préoccupations et plusieurs questions demeurent pour l’instant sans réponse :
- Quel est le but recherché par ce choix managérial?
- Quel est l’avenir de la collégialité universitaire?
- En quoi cela pourra modifier l’organisation du travail d’enseignement et nos conditions de travail?
- Quelle place sera réservée aux chargées et chargés de cours et comment ces transformations des processus de travail pourraient affecter nos liens avec l’Université Laval?
- Jusqu’à quel point notre autonomie professionnelle est-elle menacée?
- Y aura-t-il des impacts sur les emplois et les statuts d’emploi à l’échelle du campus?
Dans le secteur des services, l’implantation de cette méthode est loin d’être toujours positive pour les travailleuses et les travailleurs. L’an dernier, un Syndicat d’un CIUSSS de Montréal a d’ailleurs eu gain de cause en cour supérieure lorsqu’il a fait reconnaître que le management de type LEAN a provoqué de la détresse psychologique et a placé les travailleurs de la santé face à un conflit déontologique et éthique avec leur pratique professionnelle (Article).
Sur le plan de l’organisation et des conditions de travail, les travailleurs et travailleuses peuvent être confrontées à de multiples réorganisations du travail dans un court laps de temps, qui mènent le plus souvent à une déqualification et à un morcellement des tâches. Sur la base de grille de suivis des performances et d’indicateurs, les travailleurs sont souvent confrontés à une reddition de compte quantitative (temps passé pour chaque tâche, résultats financiers) qui ignore les aspects qualitatifs de leur travail. En plus d’occasionner beaucoup de souffrance au travail et, potentiellement, d’entraîner des pertes d’emploi.
Le contre-coup du renforcement de « l’université managériale » touche aussi la réduction du pouvoir des différents acteurs et du recul de la collégialité et de la liberté académique, pourtant au cœur des principes historiques de la gestion universitaire. À l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), plusieurs acteurs syndicaux se sont d’ailleurs ligués contre ce néo-taylorisme centré sur la « gestion des coûts » et qui renforce la notion de « salariés ».
Ce choix peut aussi avoir pour conséquences de mettre plus d’argent dans la gestion et moins dans la mission. Notamment, une étude scientifique menée en Saskatchewan a fait valoir que les coûts associés à cette méthode peuvent être astronomiques. Que pour chaque dollar économisé par le LEAN, un hôpital Saskatchewanais a dû débourser…. 1511$ en frais de gestion!
Bref, nous demandons des réponses claires de la direction à ces questions légitimes qui concernent à la fois notre milieu de travail, l’avenir de nos activités d’enseignantes et d’enseignants et, plus globalement, celui des emplois à l’Université Laval.
Christine Gauthier
Présidente