L’avenir du numérique en enseignement : des questions se posent

La rectrice Sophie d’Amours et son équipe proposent de poursuivre le développement du numérique pour notre université. Plusieurs pistes ont été dévoilées en ce sens par l’administration lors de la présentation du Plan stratégique (2017-2022), qu’il s’agisse de favoriser la méthode de la classe inversée, dont l’enseignement théorique serait donné à distance, ou encore de promouvoir de nouveaux environnements numériques d’apprentissage avec le recours à l’intelligence artificielle.

À l’échelle du Québec, l’Université Laval est pourtant déjà championne toute catégorie du numérique dans l’enseignement. Elle serait même plus avancée que la TÉLUQ, dont l’enseignement à distance est la spécialité depuis 40 ans. La rectrice avait déclaré qu’elle ne ferait pas la promotion de la formation à distance lors de sa campagne au rectorat. Or, force est de constater aujourd’hui que le numérique fait partie de l’ADN de la nouvelle planification stratégique. L’Université Laval sera donc active dans la course technologique en raison de la « mondialisation » de l’éducation, des nouvelles possibilités des algorithmes et des technologies, de même que des impératifs d’une économie 4.0.

Ces orientations vont précisément dans le sens des priorités du gouvernement libéral actuel. Lors du dévoilement de son budget, le 27 mars dernier, ce dernier a annoncé que 130 millions de dollars, répartis sur deux ans, ont été prévus pour développer la stratégie numérique en enseignement supérieur au Québec. Parmi les projets sur la table, celui du développement d’un E-campus à l’échelle nationale : un campus numérique dont la visée finale reste encore très nébuleuse. Nous déplorons qu’à ce stade-ci les groupes d’enseignantes et d’enseignants, pourtant représentés par des instances politiques telles que la FNEEQ par exemple, ne soient pas consultés dans l’élaboration de ce projet.

Ce déluge du numérique en enseignement est-il risqué?

Premièrement, on peut se demander si les étudiantes et étudiants seront au rendez-vous. Elles et ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer la croissance de la formation à distance et le fait d’être forcés à suivre des cours en ligne. Ils revendiquent un accès « concret » aux enseignants et s’inquiètent de la qualité de leur formation en raison de la perte des rapports signifiants avec ceux et celles qui leur enseignent. Même les professionnelles et professionnels en exercice – qui forment la nouvelle « clientèle » des programmes de formation continue – pourrait y voir une perte de richesse dans la formation et se tourner vers d’autres universités qui priorisent les méthodes d’enseignement en présentiel, fondées sur l’interaction et la richesse des échanges.

Deuxièmement, pour réussir le pari du numérique, il faudra engager un tournant pédagogique majeur pour les enseignantes et enseignants universitaires, qui devront s’appuyer sur de nouveaux environnements numériques d’apprentissage, sur l’utilisation de robots, sur l’intelligence artificielle. Ces transformations auront des répercussions importantes sur nos méthodes de travail et sur son organisation. Est-ce que les enseignantes et enseignants voudront embarquer dans une telle transformation de leur profession?

On comprend aujourd’hui que nous n’avons vu que la pointe de l’iceberg en ce qui concerne l’utilisation du numérique en enseignement et qu’ultimement, si tous les cours ne sont pas donnés entièrement à distance, le numérique sera présent dans tous les cours.

Pour Joshua Bengio, scientifique de renommée mondiale en intelligence artificielle, qui était de passage à Québec la semaine dernière pour parler des espoirs et des craintes liés à son domaine de recherche, les robots ne doivent pas se substituer aux humains dans les métiers qui impliquent une relation à l’autre. C’est aussi vrai pour les métiers en éducation.

Bengio a ajouté que les syndicats seront des acteurs importants pour faire face à ces changements et pour orienter les décisions qui seront prises dans le futur monde du travail. Devant la robotisation croissante du monde dans lequel on vit, des garde-fous seront nécessaires pour préserver la qualité des relations humaines.

 

Christine Gauthier
Présidente

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