Le défi de concilier « agilité organisationnelle » et respect des personnes

Lors de la dernière séance de consultation Ensemble UL, l’équipe de direction a fait mention de son désir d’accroître « l’agilité organisationnelle » de notre institution. Ce nouveau concept renvoie, selon notre compréhension, à une transformation majeure du fonctionnement institutionnel, notamment en valorisant un processus de révision continue de nos pratiques (qui peut s’assimiler au Lean production), tout en renforçant la culture du numérique dans à peu près toutes les sphères d’activités de l’organisation, allant jusqu’à la prise de décisions en temps réel. Sont notamment valorisées la culture du changement anticipatif, l’omniprésence des TI et les méthodes de gestion directes et flexibles, visant à réduire le « travail inutile », selon un des principes la méthode Agile.

Bienvenue dans l’université 4.0.

C’est vrai qu’il y a des aberrations dans le système de gestion universitaire et que la machine peine parfois à faire un virage à 15 degrés (remarquez que cela n’a pas été le cas pour l’offre de cours à distance : l’évolution a été fulgurante!). Les délais sont parfois si longs qu’ils sont susceptibles d’anéantir la détermination des personnes les plus engagées sur notre campus et ainsi entraver l’innovation et la créativité pour le développement de notre institution. La rectrice Sophie d’Amours mentionnait notamment qu’il faut compter entre 10 à 15 ans pour mettre sur pied un nouveau programme de formation à l’Université Laval. On en conviendra, il faut être vraiment tenace pour se lancer dans un tel projet, presque aussi tenace que lorsqu’une ville souhaite développer un réseau de transport structurant.

Mais cette grande transformation managériale anticipée pour notre université risque d’avoir des implications sur le travail et la carrière des travailleuses et des travailleurs et soulève des préoccupations.

Disons-le franchement : nous sommes « l’agilité organisationnelle » en enseignement. Les chargées et chargés de cours représentent un des groupes qui offre à l’université le plus de flexibilité dans la gestion de son offre de cours aux étudiantes et étudiants. Or, la flexibilité a des répercussions négatives sur nos emplois, en plus d’être difficile à vivre au quotidien :

– nos attributions de cours sont de plus en plus souvent « en temps réel », ce qui nous laisse insuffisamment de temps pour les préparer ou nous force à le faire dans des temps compressés;

– nos cours (et nos horaires de travail) sont de plus en plus fractionnés pour répondre aux nouvelles logiques d’approche dite « par compétences », ce qui divise notre travail et la manière dont on peut s’impliquer dans le développement des cours et l’évaluation des apprentissages des étudiants;

– nos contrats de travail ont été raccourcis et les régimes d’emploi diminués par

souci de flexibilité pour les unités, nous laissant face à de plus grandes incertitudes professionnelles et financières pour l’avenir;

– nos charges de travail ont été augmentées et compressées en réponse aux impératifs financiers qui ont mené à la fusion de cours et de sections de cours, nous obligeant à des gymnastiques pédagogiques souvent insatisfaisantes.

Néanmoins, nous serons à l’écoute des propositions attachées aux orientations de la planification stratégique et nous soutiendrons celles qui s’aligneront sur notre conception d’une université efficiente, soit, mais aussi respectueuse des enseignants contractuels et de leur travail. Car ces changements pourraient aussi se traduire par des implications positives, celle notamment d’une évolution dans les profils des ressources humaines, ce qui permettrait de mieux construire les carrières universitaires autour des personnes et de leurs compétences spécifiques.

À ce stade-ci, une question importante demeure toutefois : Quelle place entend donner aux chargées et chargés de cours la direction de l’Université Laval dans sa vision de l’université 4.0?

Christine Gauthier
Présidente

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